Collèges et lycée, entre séquelles des années Covid et stages introuvables
Les jeunes bouillonnent d’idées, bouillonnent d’envies, ne les laissons pas tomber.
Des élèves qui ne se relèvent qu’avec peine des années Covid, notamment des confinements
2020-2021 : ils étaient en 6ème. 2023-2024 : ils sont aujourd’hui en 3ème . Ils y sont arrivés cahin-caha, avec pour certains des notes inférieures à la moyenne, notamment en maths et français.
Ils vont passer le brevet, ceux qui ont pu trouver un soutien extérieur auprès de bénévoles vont s’en sortir, d’autres vont entrer en seconde avec des lacunes béantes. C’est pour ceux-là qu’une seconde passerelle serait utile. Idée lancée par le 1er ministre, sous le nom de prépa-2nde, pour les élèves admis au lycée, mais recalés au brevet. Aux dernières nouvelles, il y en aura quelques-unes en 2024, sur la base du volontariat. Mais ensuite?
2020-2021 : ils étaient en 3ème ; ils sont aujourd’hui en terminale. Ici aussi, cahin-caha, certains vivotent. Souvent bac pro. On pare au plus pressé. Et pourtant, ils ont des rêves, et voudraient bien les réaliser. Certaines sections de terminale prévoient la réalisation d’un chef d’oeuvre . Ce chef d’œuvre est souvent réduit à une description papier. Mais certains jeunes, difficultés scolaires ou pas, arrivent à réaliser de vrais chef-d’œuvre, comme le parfum imaginé et réalisé à très petit prix par un jeune ultra-motivé. Reçu ou collé au bac ? Et après le bac ? Et la question de la motivation ?
3ème volet : les jeunes cassés par les confinements, violences intrafamiliales accrues, dépressions, harcèlements ; et souvent la culpabilisation, la honte, parfois jusqu’au suicide.
L’Etat ne peut pas tout, on est bien d’accord, mais entre tout et rien, toute une série d’actions menées aujourd’hui à échelle modeste par des bénévoles, devrait inspirer des actions coordonnées par l’Etat, pour que tous ces jeunes « cabossés » puissent s’en sortir, la société a besoin d’eux.
Une inégalité public-privé de plus
L’Etat se contente de réformettes qui ne coûtent rien à l’Etat, mais servent d’effet d’annonce », sans financement, quitte à désorganiser les établissements : va-t-on par exemple devoir supprimer des sorties scolaires éducatives, ou des heures de soutien, ou des projets culturels, pour financer la création de groupes de niveau ?Certaines écoles privées, qui ont un IPS de haut niveau, ont déjà annoncé qu’elles ne créeraient pas de groupe de niveau, une inégalité public–privé de plus.
Pire, Bercy (Ministère des Finances) demande à Grenelle (Ministère de l'Education) de trouver 683 millions d’euros d’économie, « concédant, à mi-mars, que l’opération ne serait pas indolore »* (Le Monde du 29 mai 2024). L’école publique est à l’os. Maintenant, on racle l’os.
Quant aux stages de seconde, stages-tanguy ?
Le personnage de Tanguy (titre de film), jeune adulte qui vit chez ses parents faute de trouver un logement, a créé un nouveau néologisme ; un ‘tanguy », c’est celui qui dépend de ses parents. Les stages de 3ème des collèges, ou de 1ère-terminale en série pro sont donc des stages-tanguy , de ces stages qui dépendent très majoritairement du carnet d’adresse des parents. Du coup, dès les stages de 3ème, on peut mesurer le poids qui pèse sur les familles, puisque la plupart des jeunes de milieux modestes ne trouvent pas de stage par eux-mêmes et doivent se contenter d’un stage sur le lieu de travail de papa-maman.
Or, le ministère de l’Education Nationale impose désormais aux élèves de 2nde générale ou technologique un stage, obligatoire, en deuxième quinzaine de juin (du 17 au 28 juin). Pour éviter que ces élèves de seconde restent inoccupés pendant la période intense d’examen de leurs aînés (1ère et terminale). De l’occupationnel ? Mais comment trouver un stage intéressant ? Menace : les élèves qui n’auront pas de stage devront être accueillis par leur lycée. Comment, par qui et pour quoi faire ? Une réforme de plus qui ne coûte rien à l’Etat, et malmène beaucoup de familles. « De 50% à 70 % des 500 000 élèves n’auraient pas trouvé d’entreprise pour les accueillir, selon deux syndicats » *. Eh oui, le jeune lycéen n’a plus envie de s’asseoir dans un coin pour « observer », l’entreprise n’a plus envie d’ajouter encore un « tanguy », les réseaux sociaux n’ont que faire des « tanguy » de seconde. Un professeur indique : les élèves sont plusieurs à avoir été pris dans des chaînes de restauration rapide, dans l’entreprise des parents, ou, sur injonction du ministère, dans des écoles primaires . Un proviseur commente: Il est temps d’arrêter les conneries sur les stages de seconde*.
Le 1er ministre dit s’être impliqué : Je me déplace partout, je rencontre les chefs des grandes entreprises … pour les mobiliser… » . et …Fais ton CV, fais ta lettre de motivation, essaie de faire un choix en lien avec les enseignements de spécialités que tu vas suivre en 1ère-terminale …. **
Des graines de stage, ça ne pousse pas sans concertation de longue haleine avec tous les partenaires (communauté éducative, centres d’orientation, professionnels des divers métiers). Pour réussir, il faut créer des synergies, des travaux d’équipe, des aides financières venant des grandes entreprises, des collectivités locales et /ou de l’Etat ; il faut assurer des heures de préparation et de suivi des stages, bref beaucoup de travail qui n’a pas été fait. Sans ce travail de fond, les déplacements d’un 1er ministre n’ont guère d’effet sur le terrain. Bah, le ministère a eu un jour un effet d’annonce, fi des fâcheux.
Et pourtant, les jeunes bouillonnent d’idées, bouillonnent d’envies, ne les laissons pas tomber.
Suzanne Bourdet Michel Faye
* Le Monde du 29 mai 2024, page 12 : L’éducation nationale peine face aux coupes budgétaires ET Les stages de seconde suscitent la colère de la communauté éducative (29 mai 2024)
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