L’eau, des compagnies des eaux aux mégabassines
L’eau, un bien commun fort malmené
Consommation : La belle saison arrive, et avec elle, le remplissage des piscines de jardin, l’arrosage extrême de l’agro-industrie et ses méga-bassines, arrosage qui soustrait, au profit de quelques tenants de l’agriculture intensive, de l’eau qui devrait aller dans la nappe phréatique commune à tous.
Surconsommation ou qualité de l’eau ? Le mouvement paysan de ce printemps 2024 s’est terminé au profit de l’agriculture intensive, avec notamment un blanc-seing accordé aux grands irrigants et aux grands utilisateurs de pesticides défendus par la FNSEA (syndicat qui défend et promeut l’agro-industrie). Ces derniers font en effet plus de bruit que les mises en garde de l’Agence Nationale de Sécurité de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Or, l’ANSES estime qu’environ un tiers de la population reçoit au robinet une eau ne répondant plus aux critères de qualité, essentiellement pour cause de contamination par des résidus de pesticide*. Ceci s’est révélé vrai aussi pour certaines eaux en bouteille, grandes marques** et marques locales***.
Eaux contaminées : Un peu partout en France, les eaux sont contaminées par différentes bactéries ; par des résidus de pesticides, utilisés en agriculture intensive, ou par des métabolites de pesticides ; par des PFAS (composés chimiques PolyFluoroAlkyléS, dits « polluants éternels » car ils persistent très longtemps), utilisés en industrie (poêles Tefal par exemple).
A l’assemblée, un groupe avait déposé un amendement proposant l'interdiction des PFAS en 2021 lors de l’examen de la loi contre le déréglement climatique ; on attend toujours…
Petite histoire de la distribution d’eau en France
De la citerne à l’eau courante : En France, la distribution payante d’eau en réseau destinée aux particuliers date du 18ème siècle, avec notamment la création en 1778 de la Compagnie des eaux de Paris. La révolution de 1789 a attribuée aux communes la responsabilité de la distribution d’eau aux particuliers. Au 19ème siècle, les épidémies de choléra et de typhoïde ont fait de la qualité de l’eau un facteur essentiel de santé publique.
Au 20ème siècle, s’est construit le système actuel avec notamment, en 1964, la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 sur le régime et la répartition des eaux et la lutte contre la pollution. Des compagnies privées se sont créées et ont prospéré sur le marché de l’eau.
Ainsi, en à peine plus de deux siècles, notre rapport à l’eau a beaucoup évolué. De l’eau de puits à l’eau du service public et à l’eau minérale, on est passé d’une production individuelle (avec ses risques) au service public de l’eau , avec ses compagnies privées.
Des pénuries à l’abondance : Jusque dans les années 1970, les Français craignaient les pénuries, nan par manque de ressource, car l’eau était alors abondante, mais par manque d’investissements et d’infrastructures pour l’exploiter et la distribuer****. Depuis, ouvrir le robinet, tirer la chasse d’eau, prendre une douche, tout cela est devenu normal et payant. Le confort d’aujourd’hui, par rapport aux citernes et puits de naguère, pouvait sembler « définitivement »acquis en France. L’eau était devenue une matière première « facile ».
Nouvelles pénuries, un changement de modèle devient indispensable
Dégâts visibles et dégâts plus sournois : Patatras, la disponibilité et la qualité de l’eau en France se dégradent de plus en plus. Le changement climatique n’est pas le seul en cause. L’urbanisme sans vergogne qui bétonne à outrance, détruit sans retenue arbres et espaces verts aux dépens des écosystèmes de nos villes (c’est particulièrement vrai à Fontenay), en prend une large part. L’agriculture intensive, qui abat les haies, et dégrade les sols à force d’engrais de synthèse, de pesticides, ne fait pas mieux.
Les dégâts visibles (de plus en plus d’inondations ravageuses d’un côté, de sécheresses de l’autre) s’ajoutent aux dégâts moins visibles ( pollutions des eaux, pénuries locales, dégradation de la biodiversité) . Certaines villes ont repris en main la gestion de l’eau pour leurs administrés, avec Paris en tête depuis 2021.
Le débat sur les mégabassines - dont Sainte-Soline est un exemple- pompant l’eau des nappes phréatiques au bénéfice de l’agriculture intensive a permis de redécouvrir qu’il existe des manières d’être au monde et de gérer des éléments naturels autrement que comme des marchandises et des propriétés privées, mais comme des choses ayant une valeur intrinsèque, qui font partie intégrante de nos milieux de vie. *****
Pour les milieux urbains –comme Fontenay-aux-Roses – les surdensifications au bénéfice de promoteurs****** auxquels le maire demande moins de Taxes d’Aménagement Majorés (TAM) que dans les villes voisines relèvent de la même question: marchandisations extrêmes ou qualité de vie ?
Suzanne Bourdet Michel Faye
* https://www.anses.fr/fr/content/pesticides-dans-l%E2%80%99eau-du-robine
** https://www.pourfontenay.fr/blog/les-scandales-de-leau-minerale-en-bouteille
***** https://reporterre.net/Il-faut-sortir-l-eau-de-l-imaginaire-marchand
Image Reporterre
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