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JIMMY et les mini-centrales nucléaires. Source d’énergie réaliste ou piège à subventions?

        La start-up française Jimmy affirme qu’elle est capable de produire des microréacteurs nucléaires - appelés SMR (Small Modular Reactors) -  pour fournir sur le site même des entreprises une énergie décarbonnée. Le site internet de Jimmy* est, à le lire, un « modèle » pour publicitaire.

 

 

Les SMR selon Jimmy*, de quoi s’agit-il ?

          Les SMR sont des réacteurs nucléaires à fission de petite taille et de faible puissance (entre 10 et 20 MWe). Coût estimé 1 milliard d’euros pièce. Pour comparaison, l’EPR de Flamanville a côuté, frais financiers inclus plus de 19 milliards d’euros, pour une production à venir de 1650 MWe

        D’après Jimmy, les microréacteurs SMR ont tous les avantages, modulables, compétitifs, et dotés d’un « cycle du combustible qui garantit la sûreté et la maîtrise des déchets »*.

       Jimmy a reçu de l’Etat une subvention de 32 millions d’euros** , dans le cadre du Crédit Impôt-recherche fourni aux entreprises. La start-up va lancer les commandes pour construire une première « chaudière nucléaire industrielle » (un SMR donc)  en 2026. Ce mini-réacteur nucléaire pourrait être installé sur le site de Bazancourt (Marne) de la coopérative sucrière Cristal Union. La coopérative sucrière confirme des échanges, mais dément tout accord.

 

Le bruit court …

        Jimmy déclare vouloir engager 100 millions d’euros au Creusot (Saône-et-Loire) pour concevoir des microréacteurs à fission nucléaire. Le site devrait débuter son activité en 2025 et employer jusqu’à 300 personnes à partir de 2028. Le premier mini-réacteur serait (peut-être ou peut-être pas) pour Cristal Union.

        Du coup, l'entreprise reçoit le prix de la pépite industrielle de demain à l'occasion de l'étape de la tournée Territoires & Industrie au Creusot, et ça, ce n’est pas qu’un bruit. Sauf que, début avril 2024,  l’association Robin des Bois a mis le débat sur la place publique ***

       En réponse, lundi 29 avril, Jimmy a annoncé avoir déposé son dossier de « demande d’autorisation de création » (DAC) auprès du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, pour son projet de SMR

      « Nous déposons l’ensemble des dossiers administratifs et techniques permettant d’évoquer la création potentielle d’un réacteur sur un site industriel, en particulier à Bazancourt », précise Antoine Guyot, cofondateur et PDG de Jimmy.

 

Marchera, marchera pas ?

       L’instruction du dossier peut durer jusqu’à 5 ans. L’ASN (Autorité de Sureté Nucléaire) n’a pas encore donné le moindre feu vert. L’IRSN (désormais fusionnée avec l’ARS) s’inquiétait dès 2022 : «  Les éléments apportés par Jimmy ne sont pas suffisamment réalistes pour permettre une évaluation du risque associé »****.

      L’association de scientifiques Global Chance indique que la filière SMR n’a pas connu de développement industriel et commercial car les réacteurs expérimentaux développés au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et en Allemagne ont été arrêtés, à cause d’accidents en série et d’une rentabilité très incertaine*****. Aujourd’hui, seules la Russie et la Chine ont annoncé la mise en service de deux SMR chacune, mais pour combien de temps ? Tout cela rappelle les aléas de la technologie des EPR comme ceux de Flamanville et d’ailleurs.

           

Qui préparera le combustible ? Que fera-t-on des déchets ? Qui assurera la surveillance et la sécurité des SMR ?

        Dans un communiqué du 23 avril, le groupe des Écologistes à la région Grand Est a affirmé que « le combustible (particules TRISO*) nécessaire pour faire fonctionner le réacteur ne peut être produit, selon le calendrier présenté par Jimmy Energy, que dans la Russie de Poutine ». Antoine Guyot, PDG de Jimmy, leur répond que l’« uranium utilisé dans le réacteur viendra d’Amérique du Nord ». Pas si sûr, puisque les Etats-Unis ont abandonné la filière.

       D’autre part, la question des déchets n’est pas anodine. Les experts estiment qu’il n’existe aujourd’hui aucune technique de retraitement des déchets du combustible envisagé par Jimmy.

       En pleine guerre d’Ukraine, le retraitement de déchets nucléaires occidentaux par la Russie continue à fonctionner, au bénéfice de la France et des Etats-Unis. D’où problème …

       Enfin, qui assurera la surveillance et la sécurité des SMR face aux hakeurs, ou aux aigrefins attirés par un combustible riche de 20% d’uranium, sur des sites industriels qui risquent fort d’être moins bien protégés que les centrales nucléaires actuelles?

 

Quelle énergie pour répondre aux besoins ?

        Quand il est question d’énergie, il faut lutter contre les gaspillages, définir rigoureusement les besoins, et surtout mettre en œuvre les possibilités d’économie d’énergie ( par exemple par l’isolation des bâtiments, par le développement des mobilités douces…).

        Actuellement, deux choix de société sont proposés : nucléaire à court terme, avec des déchets à long terme ; ou développement du solaire, dont le kWh aujourd’hui est nettement moins cher, de 4 à 10 fois moins,  que le kWh du nucléaire******.

        Centrales nucléaires au démantèlement complexe et onéreux, déchets dangereux à très longue durée de vie ;  ou solaire recyclant ses matériaux, posé sur des toitures existantes plutôt que des emprises au sol parfois inappropriées. Tiens, tiens, une énergie solaire citoyenne !

 

Suzanne Bourdet      Michel Faye

 

 

https://www.jimmy-energy.eu/  Et  https://www.jimmy-energy.eu/combustible

** https://www.usinenouvelle.com/article/jimmy-recoit-32-millions-d-euros-de-france-2030-pour-industrialiser-sa-chaudiere-nucleaire.N2198613

Et  https://www.usinenouvelle.com/article/la-start-up-des-smr-jimmy-conforte-l-avenir-de-la-filiere-nucleaire-au-creusot.N2210952

*** https://robindesbois.org/

Robin des Bois est une association  fondée en France en 1985 par des pionniers de la défense de l’environnement.

**** Canard enchaîné du 7 mai 2024 , article Miniréacteurs, maximum d’esbrouffe

***** https://global-chance.org/SMR-Les-reacteurs-a-haute-temperature

Global Chance est une association de scientifiques qui s’est donnée pour objectif de tirer parti de la prise de conscience des menaces qui pèsent sur l’environnement global pour promouvoir les chances d’un développement mondial équilibré. 

****** Notre article  du 29 octobre 2023  http://www.pourfontenay.fr/blog/crise-energetique-poker-menteur

Image : https://www.usinenouvelle.com/editorial/technicatome-explique-pourquoi-edf-et-le-cea-discutent-mini-reacteur-nucleaire-smr-avec-westinghouse.N885234

 

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