Energies 2/ Que deviennent nos savoir-faire en énergie nucléaire ?
Les étoiles, et en particulier notre Soleil, savent produire de l’énergie par fusion d’atomes légers, c’est la fusion nucléaire, qui a beaucoup d’avantages par rapport à la fission nucléaire (la fission casse des noyaux lourds). La fusion nucléaire développée par des chercheurs de laboratores à financements publics est une nouvelle voie, dont commencent à s’emparer des entreprises privées. De quoi s’agit-il ?
Fission hier / Fusion demain ?
- La production d’énergie par fission nucléaire (casser des noyaux lourds), technologie actuelle, coûte de plus en plus cher et les déchets nucléaires de plus en plus nombreux posent de plus en plus de problèmes de sécurité. L’accumulation de déchets à La Hague ? Les déchets les plus dangereux enfouis sur un pari scientifique à Bure? Les pollutions radioactives de nos fleuves (dont la Seine) et les risques de catastrophes nucléaires (accident ou attaque) ? Les coûts de démantèlement des centrales ?
- La production d’énergie par fusion nucléaire (assembler des noyaux légers) est expérimentée près de Cadarache, vallée du Rhône (projet ITER, démarré en 1992, 35 pays y participent) ; cette technologie produit des déchets dont la radioactivité diminue fortement en quelques dizaines d’années. Par comparaison, les centrales à fission produisent des déchets dont la durée de vie va jusqu’à des centaines de milliers d'années.
La fusion produit des déchets moins redoutables que ceux que produit la fission. Les installations de fusion sont plus faciles à piloter et donc moins dangereuses que les installations de fission. Et la technologie ITER n’a pas d’application militaire, elle n’a rien à voir avec les bombes à hydrogène des années 1950.
20ème siècle, la préhistoire de la fusion nucléaire
Au mois de mai 1973, la revue Sciences et Avenir consacrait un important dossier à TFR, le tokamak français porteur des espoirs de l’énergie H ( H pour Hydrogène). Il fut installé au CEA de Fontenay-aux-Roses
Tokamak de Fontenay aux Roses ( 1973)
Pour obtenir de la fusion nucléaire, il faut faire comme le soleil, chauffer à plusieurs millions de degrés des atomes légers, pour les peler de leurs électrons, et amener les noyaux à fusionner, ce qui libère beaucoup d’énergie. Au cœur du Soleil, la pression est égale à 200 milliards de fois la pression atmosphérique terrestre et la température centrale atteint environ 15 millions de degrés pour une densité égale à 150 fois celle de l’eau.
- Les fours à fusion s’appellent des Tokamaks, terme venu du premier tokamak, né en URSS, en 1958. Le premier Tokamak français (FUSION nucléaire) est né à Fontenay-aux-Roses en 1973, comme la pile Zoé née plus tôt elle aussi à Fontenay, en 1948 (FISSION nucléaire).
Il y a 50 ans, au temps des premiers chocs pétroliers, le Tokamak de Fontenay-aux-Roses était le plus puissant du monde ; il a fonctionné de 1973 à 1986.
Le Tokamak de Fontenay-aux-Roses a eu de nombreux successeurs. En 1985, Mikhaïl Gorbatchev propose à Ronald Reagan et François Mitterrand de construire un grand tokamak international. C’est de cette proposition décisive que découle le projet ITER.
La fusion nucléaire, une constellation énergétique **
- Où en est la technologie de fusion nucléaire aujourd’hui? La recherche publique a donné des résultats qui intéressent désormais une trentaine d’entreprises privées à travers le monde. Par exemple, Google et la banque d’investissement Goldman Sachs font partie des financeurs de l’entreprise californienne de fusion nucléaire TAE Technologies, fondée en 1998. Plusieurs modèles de réacteurs à fusion sont en compétition. Le plus grand projet de réacteur à fusion du monde est le projet Iter (Réacteur Expérimental Thermonucléaire International), qui fusionne des noyaux « isotopes » de l’hydrogène ( ces noyaux sont le deutérium et le tritium). TAE Technologies propose d’utiliser plutôt des noyaux d’hydrogène proprement dit et de bore, qui sont disponibles en abondance.
Chantier de construction du réacteur ITER, près de Cadarache
- Le réacteur ITER prévoit une première fusion en 2035 ; ce n’est donc pas une solution actuelle de transition énergétique, mais ce serait une bonne nouvelle pour nos enfants et petits-enfants. Christopher Mowry, PDG de General Fusion, résume bien la situation actuelle : « La fusion est en quelque sorte le vaccin contre le changement climatique ». Sans les déchets très dangereux de la fission, et sans les risques d’emballement ou d’explosion des centrales actuelles.
Jusqu’où financer les énergies nucléaires plutôt que les énergies renouvelables ?
Ce sont deux visions politiques différentes : une vision centralisée, l’énergie nucléaire ; une vision décentralisée, les énergies éoliennes et solaires. Quels équilibres choisirons-nous ?
Suzanne Bourdet Michel Faye
** Pour la Science, revue, n° 534, avril 2022
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