Glyphosate, jusqu’en 2034, voire plus ?
On connaît les dangers du glyphosate pour notre santé comme pour la planète, mais chaque fois, au dernier moment, les tenants de l’agro-industrie l’emportent. Comme pour l’amiante dans les bâtiments avant-hier, comme pour la chlordécone dans les champs de bananes hier, les profits industriels s’opposent à la santé du vivant (hommes, et biodiversité).
Manger et respirer propre (agriculture éco-responsable) ou subir les attaques des pesticides dans notre nourriture, notre eau, notre air, notre santé ?
En ce début 2024, il fallait être attentif pour observer comment les tenants de l’agro-industrie ont utilisé le mouvement paysan (en France et en Europe) pour pousser en avant les revendications du modèle agro-industriel, au détriment des modèles plus respectueux de la santé des consommateurs, des paysans eux-mêmes et de la planète.
Deux conceptions de l’agriculture s’affrontent, l’agro-industrie soutenue en France par la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA d’un côté) ; l’agriculture éco-responsable, soutenue en France par la Confédération paysanne, de l’autre.
Du niveau de la ferme à celui de l'agriculture dans son ensemble, la généralisation des pesticides en agriculture soutient le modèle agro-industriel, au détriment des paysans qui pratiquent une agriculture éco-responsable*.
En 2017 déjà** !
Le 22 sept 2017, 250 agriculteurs, emmenés par la FNSEA (puissant syndicat agricole), bloquaient les Champs-Élysées en étalant de la paille. « Il faut arrêter d’emmerder le monde agricole ! » disaient-ils. Ils dénonçaient la position du gouvernement français sur le glyphosate, parce que le gouvernement envisageait de ne pas voter la proposition de la Commission européenne qui voulait autoriser à nouveau le glyphosate pour encore 10 ans.
A Bruxelles, la FNSEA faisait front commun avec le lobby des pesticides pour montrer qu’une interdiction du glyphosate provoquerait, selon eux, une baisse de la production de céréales. En même temps, une étude portugaise qui démontrait l’effet génotoxique (toxique pour l’ADN) d’un produit à base de glyphosate sur des poissons a été enterré pendant 8 ans, et sorti enfin cette année. Alerte à prendre en compte, ou brouillage immédiat par les tenants de l’agro-industrie ? ***
Or, parce qu’il est trop utilisé, « l’efficacité du glyphosate diminue », tout simplement parce qu’il y a eu une « adaptation rapide » au glyphosate des plantes qu’il est censé supprimer.****
Des liaisons dangereuses
Liaisons coopératives - agrobusiness
La plus grande coopérative agricole de Bretagne, Triskalia, gérée par la FNSEA réalise des chiffres d’affaires importants (1,9 milliards en 2016). Sauf que la vente de produits dits « phytosanitaires » dont le glyphosate et d’autres, et l’alimentation destinée aux animaux d’élevage, rapportent nettement plus que la vente des produits agricoles destinés à notre nourriture.
Liaisons Lobbies- Commission Européenne
Novembre 2023, la Commission Européenne autorise le glyphosate pour 10 années supplémentaires dans l’Union Européenne. France, Allemagne, Italie se sont abstenues. Autriche, Croatie, Luxembourg ont voté contre. Les autres pays ont voté pour. Au final, ce sont les gouvernements des 3 pays abstentionnistes qui ont permis la reconduite du glyphosate pour 10 ans de plus.
Qui applaudit ? Bayer le groupe chimique allemand « hérault » du glyphosate depuis qu’il a racheté Monsanto. Monsanto et Bayer ont été maintes fois condamnés aux Etats-Unis. Bayer, sous parapluie européen, continuera à vendre son glyphosate pendant au moins 10 ans de plus.
Que fait-on des tonnes de pesticides jugés trop dangereux pour être utilisés dans l'UE ?*****
Le maintien du glyphosate est préoccupant. Cependant, d’autres pesticides ont petit à petit été interdits, dans l’Union Européenne, parfois après avoir causé de gros dégâts, comme la chlordécone dans les champs de bananes.
La France et la Belgique ont adopté des lois interdisant l'exportation de pesticides interdits dans l'Union Européenne. Mais l'Allemagne continue à produire des pesticides interdits en Europe pour les vendre au « Sud Global », voire même au Canada et en Australie (comme le chlorothalonil).
Dans ces régions, ces pesticides sont utilisés sans limite, au détriment des paysans, des consommateurs et de la planète, notamment en polluant sévèrement les nappes phréatiques. Et, sourire grinçant, certains produits agricoles nous reviennent ainsi pollués du « Sud Global » auquel on les a vendus.
Suzanne Bourdet Michel Faye
* https://www.confederationpaysanne.fr/actu.php?id=13883
*** https://reporterre.net/Un-rapport-sur-le-glyphosate-enterre-pendant-8-ans
**** https://reporterre.net/Trop-utilise-le-glyphosate-est-de-moins-en-moins-efficace
***** Ekō.com
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