Eté du nucléaire 1 / Le rejet des eaux de Fukushima dans l’Océan Pacifique inquiète*
A Fukushima, au Japon, les réservoirs de stockage d'eau traitée de la centrale nucléaire sont aujourd'hui remplis à 97% de leur capacité. Reuters/KYODO
Les faits
Le chantier de la centrale nucléaire de Fukushima, détruite en 2011 par un séisme suivi d’un tsunami, produit chaque jour environ 100 000 litres d'eau contaminée. Au point qu'environ 1,33 millions de tonnes de cette eau, notamment celle provenant des injections nécessaires pour refroidir les cœurs des réacteurs nucléaires entrés en fusion en 2011, sont aujourd'hui stockées sur le site de la centrale, bientôt arrivé à saturation.
Que faire des poubelles du nucléaire de Fukushima?
L’AIEA vient de donner son feu vert pour rejeter ces eaux contaminées dans l’Océan Pacifique, au grand dam des pêcheurs japonais. Car les pêcheurs japonais se souviennent de l’empoisonnement au mercure des poissons et des hommes à Minamata dans les années 1950, et ils redoutent le risque que représentent les déchets radioactifs qui vont se retrouver dans l’eau des zones de pêche."Lorsqu'un désastre de cette ampleur n'est pas jugulé dès le début, il ne le sera jamais", constatait l'épidémiologiste Masazumi Hamada, lui qui diagnostiqua les symptômes de la maladie à Minamata et batailla, quarante ans durant, avec les autorités.
Les voisins du Japon protestent aussi, Corée du Sud et Corée du Nord pour une fois d’accord, Chine et Taïwan, là aussi pour une fois d’accord. La fédération des pêcheurs de la province de Jeolla du Sud (dans le sud-ouest coréen) craint « des dommages dévastateurs en raison des inquiétudes du public d’une possible contamination radioactive des produits de la pêche » et ce, « même si l’eau contaminée ne s’écoule pas directement dans les eaux coréennes ». Leur position est en phase avec celle du président Moon Jae-in, hostile au projet.***
D’autres solutions étaient possibles****
Cinq options ont été examinées : le rejet dans l’atmosphère sous forme de vapeur d’eau tritiée ; l’injection de l’eau contaminée dans un puits très profond ; l’électrolyse avec rejet du tritium dans l’atmosphère ; l’utilisation de l’eau tritiée pour fabriquer du béton — lequel aurait été enterré comme un déchet radioactif — ; et le rejet en mer.
Le rejet en mer a été voulu par le gouvernement japonais et l’électricien Tokyo Electric Power Company (Tepco), parce que c’est la solution la moins chère dans l’immédiat. Ni le politique, ni l’électricien n’ont voulu prendre en compte les coûts ultérieurs éventuels qui découleront du rejet en mer, en terme de santé publique et d’atteintes à la biodiversité.
Tepco a assuré que la radioactivité de l’eau rejetée ne dépasserait pas 1 500 becquerels par litre, bien moins que les normes de l’AIEA pour les rejets en mer — 60 000 becquerels par litre — et même que les normes de potabilité de l’eau établies par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) — 10 000 becquerels par litre. Sauf que les effets vont s’accumuler au fil des rejets, jusqu'à quand? .
En France aussi, l’usine de retraitement de La Hague (Manche) a une autorisation de rejet en mer pour des eaux chargées en tritium à hauteur de 4 000 becquerels par litre. Du coût environnemental et sanitaire de cela, on ne parle guère, et on n’a toujours pas, semble-t-il, d’étude épidémiologique solide.
Suzanne Bourdet Michel Faye
** https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2005/03/28/minamata-la-bai....
**** https://reporterre.net/Centrale-de-Fukushima-l-eau-radioactive-bientot-rejetee-dans-l-ocean
Image de titre et sa légende : Le Parisien du 7/7/2023 https://www.leparisien.fr/environnement/fukushima-rejeter-les-eaux-contaminees-dans-locean-est-ce-vraiment-sans-danger-07-07-2023-CFTMO4J63JF5NMXUD6ZY7CQATY.php
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