Crise énergétique/ Poker-menteur
Comment s’est construite notre dépendance au pétrole ?
1945-1973 : Les 30 Glorieuses (titre d’un livre de l’économiste Jean Fourastié*) furent une période de croissance. Rattrapage de l’après-guerre, nouvelles technologies, gains de productivité, autant de facteurs qui ont dopé l’économie des pays industrialisés (croissance de l’ordre de 7%).
Sauf que les pays industrialisés sont devenus dépendants de l’or noir, avec ses marées noires (naufrage du pétrolier Torrey Canyon en 1967, marée noire de Barbara en 1969) et ses conséquences géopolitiques. Les pays pétroliers du Moyen-Orient, en position de force, doublent le prix du pétrole entre 1970 et 1973.
1973 : Guerre du Kippour entre Israël et ses voisins arabes. Les pays du Golfe ferment quelques robinets du pétrole. Le prix du baril passe de 4 à 16 dollars en quelques semaines,.
1979 : Révolution islamique en Iran, second choc pétrolier, nouveau doublement du prix du baril, de 20 à 40 dollars.
2022 : La Russie envahit l’Ukraine, l’Europe se rend compte de sa grande dépendance à la Russie, pour le gaz. L’Europe réduit sa dépendance au gaz russe, mais le retraitement des déchets nucléaires français par la Russie, lui, continue.
On n’a pas de pétrole, mais a-t-on vraiment des idées ** ?
Crise énergétique, crise écologique, crise sociétale, l’insouciance n’est plus de mise, la chasse au gaspi est ouverte : économies d’énergie, économie circulaire (recyclages), énergies renouvelables, isolation des bâtiments, rénover plutôt que casser, développer les mobilités douces...
Mais aussi exploitation de gaz « sale », le gaz de schiste, une catastrophe par ses conséquences écologiques***. Il s’agit de fracturer les schistes (roches) des sous-sols pour en extraire le gaz naturel. Pollution des sols, pollution des eaux, émission de méthane (gaz à effet de serre), risques sismiques, paysages défigurés, coût sanitaire (cancers, naissances prématurées, impacts sur le système nerveux et respiratoire…) .
Cherchez l’erreur : Le gaz de schiste est produit aux Etats-Unis, puis vendu à l’Europe. L’Europe en interdit l’exploitation, mais en achète aux Etats-Unis.
La France a des centrales nucléaires vieillissantes, les pannes s’accumulent, les déchets nucléaires s’accumulent, la technologie EPR ne décolle pas, et le prix du kwh de nucléaire s’envole. De plus, comme indiqué plus haut, la France est dépendante de la Russie pour le retraitement des déchets nucléaires, mais ça, chut, chut, on laisse faire.
Cependant, les actionnaires du nucléaire font encore de gros bénéfices, car ni le prix des traitements des déchets à plus longues durées de vie (ils sont aussi les plus dangereux), ni le coût exorbitant du démantèlement futur des centrales actuelles ne sont pris en compte****.
Heureusement, dans le même temps, les prix de l’énergie solaire et de l’énergie éolienne diminuent et sont passés en-dessous de celui du nucléaire*****. Pour le moment, cela fait des bénéfices record pour les actionnaires, au détriment des usagers.
Les tendances ci-dessus s’amplifient encore depuis 2019 , et les prévisions vont dans le même sens pour les années à venir:
Le nucléaire est 3 fois plus cher que le solaire actuellement. Les prévisions sont un nucléaire 4,5 fois plus cher que le solaire à l'horizon 2050. Intéressant, surtout si l'on développe le solaire sur les toits des particuliers, ce qui ne grève pas les surfaces de pleine-terre.
L’Union Européenne saura-t-elle protéger les intérêts des usagers de l’électricité ?
La question est capitale, en ces temps où l’on exige des usagers qu’ils remplacent leurs voitures thermiques (énergies fossiles à forte empreinte carbone) par des voitures électriques ; encore faut-il que le prix de l’électricité soit compatible avec le pouvoir d’achat des ménages.
La Commission européenne étudie plusieurs options :
- Plafonner les revenus des producteurs d'électricité verte (solaire, éolien, hydraulique), et des producteurs du nucléaire, qui font, comme indiqué précédemment, des bénéfices « exceptionnels ».
- Réclamer « une contribution » aux producteurs et distributeurs d’énergies fossiles, productrices de CO2. Cette contribution serait fixée à 33% des bénéfices supérieurs de plus de 20% à la moyenne des années 2019-2021
Ces propositions pourraient rapporter jusqu’à 140 milliards d’euros par an. Plusieurs pays européens ont déjà pris ou annoncé des mesures de ce type, Espagne, Grande-Bretagne, Hongrie, Italie, Roumanie.
Et la France ? TotalEnergies 2022, zéro impôt en France / Energies renouvelables en France, 13,7 milliards d'euros pour l'Etat français
TotalEnergies continue d’investir sur les énergies fossiles et enregistre des bénéfices record. Une savante optimisation fiscale lui a permis de dégager un résultat fiscal déficitaire l’an dernier sur ses activités françaises. Donc, en 2022, TotalEnergies n’a payé en France aucun impôt sur les sociétés. Il paraît que ça va changer en 2023. Chiche !
Quant aux énergies renouvelables, elles permettent peu d'évasion fiscale car elles sont clairement localisées (au contraire des activités en énergies fossiles de TotalEnergies par exemple). En 2023, les producteurs d'énergies renouvelables devraient rapporter à l’Etat 13,7 milliards d'euros******. Pas mal!
Suzanne Bourdet Michel Faye
* https://www.economie.gouv.fr/facileco/jean-fourastie
** D’après la formule de Valéry Giscard d’Estaing, président de la République, en 1976
*** https://reporterre.net/L-exploitation-du-gaz-de-schiste-devaste-les-Etats-Unis
**** Notre article du 31 mars 2023 : http://www.pourfontenay.fr/blog/surete-nucleaire-la-francaise
Et
Notre article du 22 février 2023 : http://www.pourfontenay.fr/blog/energie-quelle-consultation-quel-choix-de-societe
***** Evolution des coûts au kwh : https://fr.statista.com/infographie/26088/evolution-prix-energies-renouvelables/
Image de titre : https://greenwashingeconomy.com/tout-le-petrole-sera-extrait-legalement-ou-illegalement/
Images de texte: Courbes : https://fr.statista.com/infographie/26088/evolution-prix-energies-renouvelables/
Histogramme : https://www.iea.org/reports/world-energy-outlook-2021
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