Exproprier pour densifier : une convention qui interpelle
Lors de la séance du conseil municipal du 26 septembre 2024, le maire a présenté et fait voter une délibération pour établir une « convention d’intervention foncière* » entre la ville de Fontenay-aux-Roses, le Territoire Vallée-Sud-Grand-Paris et l’Etablissement Public Foncier de l’Ile de France (EPFIF). Convention valable 5 ans.
Cette convention concerne tous les propriétaires et locataires des secteurs indiqués ci-dessous, ainsi que les propriétaires et locataires des unités foncières jouxtantes.
Plusieurs centaines de personnes sont concernées. Aucune de ces personnes n’a été prévenue par le maire au préalable de cette convention, malgré les conséquences importantes qui peuvent en résulter pour ces personnes.
1- Les secteurs** de Fontenay concernés
3 secteurs de Fontenay sont concernés, soit plus de 30 bâtiments : pavillons, petits immeubles, commerces dont un garage…Surface totale d’environ 6200 m² , à laquelle il faut rajouter plusieurs milliers de m² de surface des unités foncières jouxtantes à ces secteurs.
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Secteur 1 : secteur Boucicaut**
Secteur Boucicaut délimité par le trait jaune
Il va du n°86 au n° 98 de la rue Boucicaut:
Ce secteur d’environ 3200 m² est situé entre les rues Boucicaut et Laboissière.
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Secteur 2 : secteur Max-Dormoy/ Georges Bailly**
secteur Max Dormoy / Georges Bailly délimité par le trait jaune
Il va du n°17 au n°25 de la rue Max Dormoy et du n°4 au n°6 de la rue Georges Bailly.
Il a une surface d’environ 1200 m²
Secteur 3 : Secteur Max Dormoy/ allée des Lilas**
secteur Max Dormoy / allée des Lilas délimité par le trait jaune
Il va du n°45 au n° 49 rue Max Dormoy et du n° 2 au n°6 allée des Lilas
Il a une surface d’environ 1800 m²
2 Quel est le but de cette convention* ?
Sur l’ensemble de ces 3 secteurs, d’une surface totale d’environ 6 200 m², le maire veut réaliser 1000m² de surfaces d’activités et environ 135 logements.
Cela implique une forte densification des secteurs concernés, en particulier les secteurs** Max Dormoy/ Georges Bailly et Max Dormoy / Allée des Lilas Dans ces 2 secteurs les pavillons seront détruits pour laisser la place à des immeubles pouvant atteindre 21 m de hauteur ( soit rez-de-chaussée + 6 étages.) Cela implique aussi des abattages d’arbres et une réduction des espaces verts de pleine terre pour ces 2 secteurs.
Il n’y a pas de projets d’équipements publics, dans aucun de ces 3 secteurs.
3- Modalités d’acquisition
Elles sont indiquées dans l’article 9 de cette convention* :
L’EPFIF procédera, selon les textes en vigueur, aux acquisitions et évictions par tout moyen, et notamment par :
- par négociation amiable
- par exercice des droits de préemption et de priorité délégués par l’autorité tutélaire
- par exercice du droit de délaissement, en substitution notamment des bénéficiaires d’emplacements réservés
- par voie d’expropriation
En matière d’expropriation, l’EPFIF pourra accompagner la commune pendant la phase administrative et mènera sous sa responsabilité la phase judiciaire
.
4-Rachat des biens acquis par l’EPFIF
C’est l’objet de l’article 4 de la convention. Il est effectué :
- Soit par la commune
- Soit par un opérateur, par exemple un promoteur.
En effet, « la commune peut également faire racheter les biens acquis par l'EPFIF par substitution, par un des opérateurs qu'elle désigne officiellement par courrier»
Le principal intérêt de cette convention est d’ailleurs le fait que le maire puisse utiliser la procédure d’expropriation pour acquérir des biens pour en faire bénéficier des opérateurs, par exemple des promoteurs, qui ne peuvent pas eux agir de cette manière.
5.-Le maire, agent immobilier des promoteurs ?
Dans le cadre de cette convention, le maire peut donc faire exproprier un propriétaire ayant un bien dans un des secteurs concernés ou dans une unité foncière jouxtante à un de ces secteurs. Densifier la ville est -il pour lui assimilable à une opération d’intérêt général ?
De plus avec la possibilité de faire racheter les biens acquis à l’EPFIF par un opérateur, par exemple un promoteur qu’il aura lui-même désigné par simple courrier, pour que celui-ci réalise une opération immobilière privée, cela revient à pouvoir utiliser la procédure d’expropriation pour permettre de fournir du foncier aux promoteurs, même si les propriétaires de ce foncier refusent de vendre leur bien.
Ainsi la procédure d’expropriation qui était utilisée, hors ZAC, pour des réalisations d’intérêt public comme construire une crèche, une école, un collège, une route, une voie ferrée, un aéroport… peut, via cette convention, être utilisée, si le maire le veut, pour réaliser des opérations immobilières privées au bénéfice de promoteurs par exemple.
Rappel de l’article 17 de la Déclaration Des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 repris dans le préambule de notre Constitution :
Art. 17. La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.
Vu les conséquences de cette convention, il est incompréhensible que le maire l’ait fait voter par le conseil municipal sans avoir au préalable concerté avec toutes les personnes impliquées : c’est-à-dire feuille d’information dans les boites aux lettres, par mail ou courrier envers les personnes concernées et réunion publique.
Or, le maire ne l’a pas fait. Pourquoi ?
6- Fontenay, demain, main basse sur la ville ?
Ce procédé d’acquisition avec possibilité d’expropriation peut être utilisé demain à Fontenay dans d’autres secteurs de la ville. Il suffit que le maire désigne de nouveaux secteurs et fasse voter une convention similaire.
De fait tous les habitants de Fontenay, qu’ils soient propriétaires ou locataires, peuvent être demain impactés par ce type de convention qui permet de forcer des ventes en utilisant la procédure d’expropriation. Peu à peu les pavillons disparaitront et les opérateurs immobiliers feront, si nécessaire à coups d’expropriations, main basse sur la ville qui sera densifiée et bétonnée à outrance : déjà plus de 90% du sol de Fontenay est artificialisé. Cela va à l’encontre de la qualité de vie, de la lutte contre réchauffement climatique et de la protection de la biodiversité.
Enfin, pourquoi vouloir continuer à bétonner la ville alors que la population de Fontenay***, comme dans la plupart des communes des Hauts de Seine, diminue depuis quelques années?
Suzanne Bourdet Michel Faye
photo: pour Fontenay: maisons rue Boucicaut appartenant au secteur " Boucicaut".
* https://www.pourfontenay.fr/sites/default/files/dossiers/convention_dint...
** https://www.pourfontenay.fr/sites/default/files/dossiers/secteurs_dinter...
*** https://www.pourfontenay.fr/blog/projet-de-plan-local-durbanisme-interco...
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