Le numérique est l’angle mort des politiques environnementales et climatiques*.
Les pollutions les plus redoutables ne sont pas les plus visibles
Des trottoirs encombrés de poubelles, ou des poubelles qui débordent, nous en subissons au quotidien. Par contre, nous ne « voyons » pas le CO2, nous ne voyons guère les déchets du nucléaire, et nous mesurons encore moins la pollution numérique, « les utilisateurs du numérique oublient encore bien souvent que les échanges numériques dits « dématérialisés » ne peuvent exister qu'en s'appuyant sur un secteur bien matériel composé de terminaux, de centres informatiques et de réseaux », indique le rapport du Sénat sur le sujet*. Au point de dépasser nettement le poids des consommations et des pollutions dues à l’impression papier.
« Si le télétravail était adopté de façon plus généralisée, il est probable que l'on observerait un désengorgement des axes routiers et par voie de conséquence une diminution de certaines pollutions liées aux véhicules à moteur. Néanmoins, rien ne nous permet d'affirmer que l'impact généré par les matériels et infrastructures nécessaires à la mise en place du télétravail soient compensés par cette seule diminution des émissions liées aux moyens de transport des travailleurs » (rapport du Sénat ).
Le secteur du numérique, une catastrophe environnementale
Dans l’ère numérique, paradoxalement, plus on « dématérialise », plus on consomme les ressources de la planète, en matière et en énergie, « à l’insu de notre plein gré » selon une formule qui faisait mouche au temps de la crise des dopages en cyclisme.
Le numérique devait entraîner des économies de papier, donc d’arbres, de produits chimiques, d’énergie … Sauf que les nouvelles technologies ont induit des consommations nouvelles très énergivores, très productrices de CO2, très avides de matériaux rares, dont le recyclage laisse beaucoup à désirer.
Selon divers rapports, dont le rapport du Sénat déjà cité *, 81% des émissions en CO2 du numérique français proviennent des terminaux ; ces émissions proviennent pour 47% de la fabrication et du transport des ordinateurs, smartphones et autres appareils connectés ; et pour 53% de l’utilisation de ces appareils, câbles, antennes (aujourdhui 4G ; demain 5G ?), des box, des climatisations des data centers (avec des gaz à effet de serre bien plus élevé que CO2) …
La planète "grince des dents" **
- Fabriquer un smartphone, c’est utiliser 70 matériaux, dont 50 métaux souvent très rares (tantale congolais, lithium sud-américain, or australien, terres rares chinoises). Et c’est utiliser beaucoup d’énergie (fossile), beaucoup d’eau, aux dépens des écosystèmes.
- Envoyer un mail, encore plus avec une pièce jointe (la photo de famille ou le rapport administratif) c’est autant d’énergie qu’une ampoule allumée pendant une trentaine de minutes. Les réseaux sociaux émettent des milliards de kg de CO2 par an, Les transports en avion, souvent montrés du doigt, font petits joueurs par comparaison.
- Chaque succès Vidéo, visionné quelques milliards de fois, consomme l’équivalent de la production d’une centrale nucléaire. Ces chiffres-là explosent. Les vidéos du Net (Netflix, YouTube…) sont les plus émettrices en gaz à effet de serre.
Numérique : Penser sobriété et Education**
- Vous connaissez le slogan : « un verre, ça va ; trois verres, bonjour les dégâts ». Pour préserver les ressources et limiter les pollutions environnementales, voici quelques conseils simples :
- Téléchargez plutôt que d’utiliser le streaming.
- Quand vous imprimez, vous vous contentez souvent du mode standard plutôt que haute résolution, et, sauf cas très particulier, vous n’y trouvez pas de différence. C’est pareil quand vous regardez une video sur un petit écran.
- Utilisez les logiciels de compression, videz vos boites mails, et votre corbeille, installez des anti-spams, bref, faites un peu de « ménage ».
- Privilégiez les navigateurs les plus économes (il se dit que Chrome est un des plus « gourmands ») et les moteurs de recherche qui s’essayent à une part d’éco-responsabilité ( L’Ademe cite Ecosia, Ecogine, Ecosearch, Lilo)
Et, comme le disent les programmes d’éducation à internet pour les enfants, ne jetez pas toute votre vie en pâture à des followers indifférents, voire malveillants, communiquez éco-responsable, démocratique et solidaire. Alors, Internet est un outil génial, ne le gaspillons pas.
Le rôle crucial du législateur ***
Les premières voitures roulaient sans permis. Mais un jour le législateur dut intervenir, à partir de 1893 à Paris, puis dans toute la France****. De même, aujourd’hui, il est urgent de légiférer pour développer la sobriété numérique, lutter contre les obsolescences programmées des appareils et des logiciels, pour favoriser le ré-emploi, les réparations, les recyclages, notamment dans les marchés publics ; pour encadrer le streaming video, les forfaits téléphoniques, et, de manière générale, l’appétit des opérateurs, des publicitaires, des lobbies…
Entre progrès, risques, menaces parfois très graves, nous avons besoin de régulation et d’éducation de chacun au bon usage du numérique. De « permis internet », diraient les enfants fiers du permis internet, même modeste, et sans doute insuffisant, qu’ils passent, dans nos écoles.
Pour approfondir le sujet, on peut lire par exemple les livres publiés aux éditions « Les liens qui libèrent » par le journaliste français Guillaume Pitron, qui écrit dans Le Monde diplomatique, Géo, National Geographic :
- La Guerre des métaux rares : la face cachée de la transition énergétique et numérique
- L’enfer numérique : Voyage au bout d’un like.
Suzanne Bourdet Michel Faye
* http://www.senat.fr/rap/r19-555/r19-555_mono.html
** https://librairie.ademe.fr/consommer-autrement/4098-face-cachee-du-numerique-9791029716904.html
**** https://www.ornikar.com/permis/demarches/informations/histoire-permis
Image de titre : https://librairie.ademe.fr/consommer-autrement/4098-face-cachee-du-numerique-9791029716904.html
Image intégrée au texte: http://www.senat.fr/rap/r19-555/r19-555_mono.html
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