Très (trop ?) cher nucléaire / Rapport de la Cour des Comptes*
Dans un précédent article, daté du 29 novembre 2024**, nous avions alerté sur l’augmentation des coûts du nucléaire alors que les énergies renouvelables, elles, sont devenues nettement moins chères.
Energie nucléaire, en termes financiers, industriels, énergétiques et environnementaux, est-ce bien raisonnable ?
Voici un histogramme qui montre l’évolution du coût moyen du MégaWattheure ( MWh) en dollars entre 2010 et 2024:
Oubliant Tchernobyl et Fukushima, s’appuyant sur la crise énergétique de l’hiver 2024, l’Etat, seul actionnaire d’EDF, mise sur une prochaine génération de réacteurs nucléaires, les réacteurs EPR, European Pressurized Reactor" (Réacteur Pressurisé Européen). Prochaine génération ?
Annoncé à 3,3 milliards d’euros en 2007, le coût du premier EPR, l’EPR de Flamanville, est évalué aujourd’hui par la Cour des Comptes à 23,7 milliards d’euros, soit un coût multiplié par 7. Or, début 2025, cet EPR n’est toujours pas opérationnel : il consomme plus d’énergie électrique qu’il n’en fournit ! Ceux qui veulent à tout prix ce nucléaire civil, notamment comme soutien au nucléaire militaire, vous diront que c’est la faute de l’inflation. Sauf que, même en tenant compte de l’inflation, on est très loin du compte.
En effet, pour le consommateur, les « sages » de la Cour des Comptes ont calculé que ce « nouveau » nucléaire coûterait de 122 euros du MWh ( rentabilité faible 4 %) à 176 euros du MWh (rentabilité à 7%). Cela sans tenir compte des coûts de démantèlement qu’on laissera à la charge des générations futures. Et en achetant l’uranium à des pays instables, en ce moment en Mongolie, pays très dépendant de la Chine. Ce cout , non provisionné donc à charge des générations futures, se chiffre en milliards d'euros. Un élément de comparaison: le démentélement des installations nucléaires du CEA à Fontenay ( pile Zoé) actuellement en cours est estimé à 1, 2 milliars d'euros, à raison de 25 millions d'euros par an, la fin de ce démentélement étant prévu pour ...2057...
En 2020, la Cour des Comptes recommandait de « calculer la rentabilité prévisionnelle du réacteur de Flamanville 3 et de l’EPR2 et d’en assurer le suivi ». Aujourd’hui, la Cour constate que cette recommandation pourtant essentielle, n’a pas été mise en œuvre. Les autres recommandations ont, quant à elles, fait l’objet d’une mise en œuvre totale ou partielle. S’agissant des engagements internationaux d’EDF, la Cour formule une nouvelle recommandation afin de tenir compte du nouveau contexte et des retours d’expérience*.
Energies renouvelables, le vent en poupe, et le solaire menant bon train
En France, le nucléaire capte l’essentiel des crédits d’Etat, aux dépens des énergies renouvelables, parce que celles-ci ne seraient pas « stockables ». Or, les technologies de stockage d’énergies renouvelables avancent à grands pas. Avec à la clé des coûts du solaire et de l’éolien qui sont de plus en plus faibles par rapport au nucléaire : actuellement 50 euros du MWh pour les énergies renouvelables contre 150 euros pour le nucléaire. Actuellement, compte tenu des taxes, la facture aux particuliers est de 200 euros le MWh , c’est-à-dire 20 centimes d’euros le kWh, alors que le kWh de renouvelable revient à . 5 centimes d’euros.
Rappelons que si la géothermie peut être intéressante quand on est sur des nappes d’eau chaudes à plus de 100° C (c’est le cas à l’Est de l’Ile-de-France), mais pas du tout à Fontenay où la nappe d’eau chaude n’est qu’à 60 °C. Bagneux le sait bien, ville qui dépense toujours plus pour faire fonctionner une géothermie vantée par quelques-uns, qui oublient les lois de la thermodynamique.
Les lobbies du nucléaire ont moqué les énergies renouvelables, notamment l’énergie solaire, parce que les énergies renouvelables sont intermittentes. Or, le stockage de l’énergie sous forme d’électricité est rendu possible par l’amélioration des batteries (stockage électrochimique, stockage thermique, stockage mécanique).
Les anti-renouvelables hurlent donc sur les surcoûts de ce stockage. Ce qui tombe bien, puisque les anti-renouvelables sont souvent des défenseurs de la voiture électrique (à électricité nucléaire, disent-ils!). Et, justement, une part de la solution se trouve dans les batteries de voitures électriques, comme on va le voir ci-dessous.
Le stockage de l’énergie électrique et les technologies V2G***
Les véhicules électriques ont une batterie de stockage destinée au véhicule. Autant en profiter pour alimenter des appareils électriques (V2L, L pour Load=Charge) ou vers le réseau électrique domestique (V2H, H pour Home), ou multifonction (V2X, X pour Tout) . Et pourquoi pas, de façon plus large, renvoyer l'énergie stockée dans la batterie vers le réseau électrique général (V2G, G pour Réseau Général), pour pallier à l'intermittance des énergies renouvelables. Ce fonctionnement "réversible" suppose d'avoir des "bornes bi-directionnelles", capables de charger la batterie de voiture, ou de restituer au réseau une part l'énergie stockée.
Les voitures électriques passent une bonne partie de la journée garées. Au moyen de bornes de recharge « réversibles », ces temps d’arrêt peuvent bénéficier au réseau électrique ou à l’utilisation domestique. Branchées sur le réseau, elles ont la possibilité de servir de stockage, et d‘injecter du courant dans le réseau lors des phases creuses. Une solution pleinement décarbonnée. A condition de développer les bornes bi-directionnelles, et d'harmoniser les standards de recharge..
" Vue d'artiste illustrant les usages de la V2G"
Le V2G se conjugue avec le développement de batteries lithium-ion (et petit à petit sodium-ion…) de plus en plus perfectionnées, pouvant encore avoir plusieurs usages après leur vie automobile (en « seconde vie »), qui étendent leur cycle de vie et l’insèrent dans une véritable économie circulaire avant d’être finalement recyclées***.
Principaux producteurs de lithium : Australie 46,3% de la production mondiale ; Chili 23,9% ; Chine 16,2%. A charge pour les Etats de réguler la production et d’entendre les défenseurs de l’environnement et des droits humains qui se mobilisent car la transformation du lithium requiert de l'énergie, de l'eau, du travail humain, de l'espace..." Planet Terre****. Les constructeurs automobiles et les recycleurs de batteries, eux, se sont associés pour fournir à l'industrie automobile une ressource « renouvelable » en lithium****.
Les dispositifs à sodium-ion, en cours de commercialisation, n’ont pas besoin, eux, de matériaux critiques, car ils s’appuient sur le sodium abondant plutôt que sur le lithium, et ne nécessitent pas de cobalt ou de nickel. Lorsque les prix de lithium-ion ont augmenté en 2022, avec des prévisions de pénurie de matériaux, l’ion sodium a été pressenti comme un rival et l’intérêt reste fort, même si les prix du lithium-ion ont commencé à chuter à nouveau*****.
La technologie V2G peut-elle concilier les demandes en énergie décarbonée, les demandes en automobile « propre », la lutte contre le dérèglement climatique, une gestion raisonnable des ressources ? C'est le pari de Renault par exemple avec sa nouvelle Renault 5 E-Tech.
Sans oublier une bonne isolation des bâtiments, une gestion prudente de l’eau, une agriculture saine, des transports en commun et des mobilités douces … Autrement dit un développement durable coordonné respectueux du vivant et de la planète. Y compris avec une participation des automobilistes. Beau défi pour les années à venir.
Suzanne Bourdet Michel Faye
** http://www.pourfontenay.fr/blog/nucleaire-renouvelables-boum-du-solaire-0
***** https://www.pv-magazine.fr/2024/03/28/batteries-sodium-ion-une-alternative-viable-au-lithium/
Images dans le texte :
Histogramme : D'après les chiffres donnés par Le Monde 29 octobre 2024 Le photovoltaïque en plein essor
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