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Très chères nappes phréatiques

          Récemment, nous vous avons présenté le projet de géothermie de Fontenay* qui puiserait une eau trop basse en température (donc système à rentabilité incertaine) et qui traverserait la réserve d’eau douce stratégique de l’Ile de France, dans la couche géologique de l’Albien.

         Face à la crise énergétique, certains font des profits, voire des super-profits, et tant pis pour l’intérêt collectif.

         Cela vaut aussi pour l’eau. Comme le montre la bataille pour ou contre les méga-bassines. De quoi s’agit-il exactement ?

 

Nos consommations d’eau en quelques repères

          En France métropolitaine, la consommation annuelle d’eau atteint 23 milliards de mètres-cubes, soit 82 m3 par habitant et par an.

         Contrairement à des idées reçues ou à des propositions d’économies domestiques, les petites économies du quotidien n’ont qu’un impact dérisoire. Où sont les grandes consommations ?

         L’agriculture, principalement l’agro-industrie, est la première activité consommatrice d’eau avec 45 % du total, devant le refroidissement des centrales électriques, principalement les centrales nucléaires (31 %), l’eau potable domestique (21 %) et les usages industriels (4 %)**.

         15 000 litres d’eau sont nécessaires pour produire 1 kg de bœuf, 32 pour une puce d’ordinateur, 200 pour un verre de lait, 140 pour une tasse de café, 11 000 pour 1 kg de tissu

         Et du coup, un des gisements d’économie d’eau les plus efficaces et les plus économiques, au quotidien, réside dans la réduction de tous les gaspillages, qu’il s’agisse de gaspillage alimentaire (produire la nourriture nécessite beaucoup d’eau), de gaspillage d’énergie (refroidir les centrales nucléaires nécessite beaucoup d’eau)*** … 

 

Les méga-bassines en questions

         L’agro-industrie nécessite de grands volumes d’eau, pour l’arrosage de productions intensives de maïs par exemple. Sécheresses à répétition? On va alors puiser dans les nappes phréatiques souterraines. Les premiers permis de prélèvements dans les nappes phréatiques étaient assortis de clauses de bonne conduite quant au partage des eaux, à la plantation de haies et à une diminution des pesticides, mais ces clauses n’ont pas été respectées. Créant un rejet de ces méthodes chez les agriculteurs eux-mêmes. On a vu des familles paysannes manifester ces jours-ci en famille contre la méga-bassine de Sainte-Soline.

          Des combats judiciaires ont été menés pour lutter contre des autorisations de méga-bassines (appelées aussi réserves de substitution). La justice donne raison aux porteurs de recours, mais au bout de plusieurs années pendant lesquelles les irrigants ont installé tuyaux et prélèvements. Par exemple, 5 bassines agricoles de Cram-Chaban à l’entrée du Marais Poitevin (Charente-Maritime) ont fait l’objet de 14 ans de procédure. Première autorisation en 2008, annulation de ces autorisations, appels des irrigants, nouvelles annulations. En novembre 2021, au terme d’une enquête-publique, la commissaire-enquêtrice rend un avis défavorable, estimant que les irrigants ne parviennent pas à expliquer l’impact des bassines sur les nappes phréatiques et les rivières****. Et l’annulation de l’autorisation préfectorale est confirmée par la cour administrative d’appel le 17 mai 2022.

         Il faut bien nourrir la planète. Bien sûr. Mais avec quel modèle agricole ? Modèle agro-industriel, fermes géantes, bétail en batterie-stress, antibiotiques et autres; cultures voraces en eau comme le maïs, pesticides ... Ou modèle éco-responsable, privilégiant des cultures moins gourmandes en eau, des élevages de qualité, capables de produire des aliments bio…

 

Repenser notre modèle agricole et la gestion de l’eau 

         Les méga-bassines sont  très largement subventionnées par la puissance publique : elles sont subventionnées à hauteur de 70%, appartiennent à des sociétés de droit privé, au bénéfice d’un petit nombre d’agriculteurs, au risque de priver d’eau la grande majorité des habitants aux alentours. Au contraire, il faut privilégier des solutions peu gourmandes en eau, respectueuses de l'environnement et adaptées au changement climatique. Plus globalement, il est urgent de sortir du modèle agro-industriel et de soutenir une agriculture écologique. Les associations demandent de mettre un terme à tous les financements publics qui contribuent à l’industrialisation de l’agriculture et de l’élevage et réorienter ces financements vers le soutien à une agriculture écologique*****.

 

Suzanne Bourdet    Michel Faye

 

* http://www.pourfontenay.fr/blog/geothermie-fontenay

** https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/leau-en-france-ressource-et-utilisation-synthese-des-connaissances-en-2021#:~:text=Eau%20pr%C3%A9lev%C3%A9e%20et%20eau%20consomm%C3%A9e,-L%27eau%20consomm%C3%A9e&text=En%20moyenne%2C%20entre%202008%20et,repr%C3%A9sente%2082%20m3%2Fhabitant.

*** Livre Nos Futurs, éditions actusf. Des scientifiques et des autrices et auteurs ont travaillé ensemble sur les questions du changement climatiques, notamment sur les besoins et les ressources en eau.

**** https://www.francebleu.fr/infos/agriculture-peche/les-cinq-bassines-de-c...

*****  www.greenpeace.fr/mega-bassines-pourquoi-opposer/

Image : Mégabassine en construction https://www.lanouvellerepublique.fr/poitiers/bassines-dans-la-vienne-une...

 

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