Tramway T10 Antony-Clamart : chronique d’une fiasco annoncé
La décision du tribunal administratif de Cergy-Pontoise d’annuler la déclaration d’utilité publique* de 2016 m’a fait me souvenir d’un évènement annonciateur de cette décision : la réunion publique clôturant l’enquête publique.
Les problèmes mis en évidence lors la réunion publique cloturant l’enquête publique
Lors de cette réunion tenue à Châtenay-Malabry dans la grande salle du théâtre La piscine, des personnes de l’assistance s’étaient exprimées. Plusieurs problèmes avaient été mentionnés:
- Le dommage causé à un espace boisé classé
Un espace boisé classé inclus dans la forêt de Verrières et jouxtant le carrefour du 11 novembre 1918 était détruit par l’implantation de la remise et de l’atelier pour les véhicules du tramway. Un intervenant avait regretté que le site ne soit pas situé sur la zone industrielle Noveos contiguë. Il lui avait été répondu, que conformément à la loi, il y aurait une compensation dans une autre région. Ce à quoi, il avait été répliqué qu’il s’agissait d’un marché de dupes et qu’il aurait mieux valu rattacher à la forêt la zone en friche située entre celle-ci et la nationale 118 au sud du Petit-Clamart. Enfin, il avait été demandé si l’aménagement du site prévoyait le maintien d’un rideau d’arbres afin de conserver l’aspect boisé du carrefour du 11 novembre 1918 (Malabry). Force est de constater que le rideau en question est réduit à sa plus simple expression et ne dissimule pas vraiment le site.
- L’insuffisance de la fréquentation de la ligne entre le carrefour du 11 novembre 2018 et le terminus à Clamart, et, plus encore, entre l’hôpital Béclère et ce terminus compte tenu du fait que ce terminus se situait au milieu de nulle part.
Il semble que les édiles aient finalement fait le même constat, puisqu’il a été décidé de fixer le terminus au niveau de l’hôpital. Cependant, il ne s’agit que d’un terminus provisoire, puisque conseils départemental et régional se sont entendus en 2020 pour financer un prolongement souterrain jusqu’à la gare d’Issy-Clamart afin de booster la fréquentation de ce tronçon. A l’époque de la réunion, j’avais compris que les voies du tramway depuis l’hôpital Béclère jusqu’au centre de Clamart à travers le bois de Meudon utiliseraient deux des quatre voies de circulation routière existante. Or, il semble n’en être rien, puisque l’emprise devrait être élargie de l’équivalent de deux voies, ce qui constituerait une nouvelle atteinte à un autre espace boisé classé.
Compte tenu de l’insuffisance de fréquentation à partir du carrefour du 11 novembre 1918, il avait été suggéré de prévoir une autre branche depuis ce carrefour jusqu’au rond-point du Petit-Clamart et le sud de la zone commerciale de Vélizy 2. En effet, beaucoup de voyageurs utilisant le bus 379, auquel va se substituer le tramway, se rendent à Vélizy 2. Il avait été répondu que la gestion de deux branches était trop compliquée et techniquement fragile du fait des aiguillages. Cela m’avait paru curieux, connaissant la multitude de tels embranchements à Strasbourg. Par ailleurs, l’éventualité de faire rouler les véhicules du T10 sur la voie du T6 à partir de l’hôpital Béclère en direction de Vélizy 2 et de Viroflay, qui aurait pu constituer un rehausseur de fréquentation, est techniquement impossible du fait que l’un roule sur des pneus et l’autre roulera sur rail, preuve du manque de cohérence dans les décisions.
- Un raccordement futur entre le T10 et le Trans Val-de-Marne (TVM) à la Croix-de-Berny avait aussi été suggéré dans l’hypothèse où le TVM serait converti d’un bus rapide en site propre en un tramway.
Il sera rendu difficile par le positionnement du terminus du T10 à la Croix. Cela met en évidence le manque de concertation entre départements contigus et le rôle mineur de la région, normalement à la manœuvre pour les transports lourds.
- L’abattage des deux alignements de platane tout le long de l’avenue de la Division Leclerc
Cet abattement avait été jugé désastreux par certains : Les initiateurs du projet T10 n’ont même pas essayé de composer avec ces arbres majestueux, estimant plus facile de les arracher et de les remplacer par d’autres végétaux. Sauf, que la végétation en remplacement mettra des années pour atteindre la taille des arbres disparus.
Des enseignements semblent, d’ores et déjà, pouvoir être tirés de ce fiasco
D’abord, un constat : Parmi les problèmes soulevés en 2016, ceux relatifs à l’atteinte aux espaces boisés classés ont été retenus par le Tribunal pour étayer sa décision.
- L'absence de réelle concertation avec le public.
Cela reflète l’absence de réelle concertation avec le public de la part des élus et des services administratifs lors de la gestation des projets d’infrastructures publiques, ainsi que l’inutilité de l’enquête publique dans la prise de décision.
Le peu de cas fait des avis du public, sauf lorsque le projet est mobilisateur, fait intervenir des collectifs et donne lieu à des manifestations, n‘encourage pas celui-ci à participer.
En l’espèce, le projet T10 faisait partie d’un schéma de transport lourd appelé Croix du sud (du fait de l’intersection avec le T6) imaginé en 1994 pour irriguer le sud des Hauts-de-Seine et secondairement, la partie contigüe des Yvelines.
Ce projet ancien aurait mérité une actualisation compte tenu de la modification des flux de circulation, pouvant aller jusqu’au changement de tracé.
- L'absence de concertation entre les départements de la région
On constate aussi l’effacement de la région, en principe gestionnaire des transports régionaux et garante de l’intérêt supérieur régional. Au sein de ces collectivités et entre communes, les élus « se renvoient l’ascenseur », quel que soit leurs couleurs politiques.
On aboutit à des additions d’intérêts locaux ne correspondant pas forcément à l’intérêt supérieur. Il est ainsi étrange que les infrastructures lourdes de transport public créées ou à venir n’offrent pas de liaison entre Antony et Versailles, alors qu’Yvelines et Hauts-de-Seine proclament leur volonté de fusionner
De même, pour l’absence d’une telle liaison entre les pôles de Vélizy et de Rungis/Thiais-Belle Epine. La circulation automobile est intense entre ces pôles, une alternative de transport public pourrait l’alléger.
- L'absence de considération pour la justice
En l’espèce, les collectivités ont lancé les travaux sur l’ensemble du tracé (plus de huit kilomètres), y compris sur les sections faisant précisément l’objet du recours, peut-être pour rendre difficile un retour en arrière. En attendant, les riverains vivent dans un chantier monstre depuis plusieurs années et cela risque de durer. A Paris, les chantiers des lignes de tramway des Maréchaux ont été réalisés par sections.
A Fontenay, pour permettre la réalisation d’un projet immobilier rue des Potiers, le maire n’a pas hésité à faire abattre des arbres** d’un espace boisé classé sans attendre 3 jours le jugement du Tribunal Administratif statuant en référé.
- L'absence d’égard pour le patrimoine naturel de la part des collectivités locales.
Cela s’est vu avec l’abattage des alignements de platanes et le choix de faire disparaître une parcelle de la forêt plutôt que d’occuper une partie d’une zone industrielle disponible.
L’Etat n’a pas eu une attitude différente en l’espèce, puisqu’il est propriétaire de la parcelle boisée litigieuse gérée par l’ONF.
Dominique Fruchter-Hurel
** http://www.pourfontenay.fr/blog/abattage-darbres-proteges-square-des-pot...
Photo: Dominique Fruchter-Hurel : construction du garage-remisage des rames du T 10 sur un terrain pris sur le bois de Verrières
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