Sûreté Nucléaire à la française ?
La France s’enorgueillit de ses centrales nucléaires. Belle réussite du 20ème siècle, mais aujourd’hui ? La moitié des réacteurs actuels, vieillissants, sont à l’arrêt. L’EPR de Flamanville est toujours retardé, et toujours plus cher. Nous dépendons de la Russie (Rosatom) pour le retraitement des déchets les plus radioactifs. A cette accumulation de difficultés techniques, s’ajoutent les questions de sûreté nucléaire, dont nous allons parler aujourd’hui.
Accidents nucléaires majeurs
1979 : Accident de la centrale nucléaire de Three-Miles Island (Etats-Unis): suite au dysfonctionnement d’une vanne, et par un enchaînement de défaillances mécaniques, 40% du cœur de Three-Miles-Island- 2 (TMI 2) ont fondu, la cuve a tenu, limitant la diffusion de produits radioactifs dans l’environnement
1986 : Explosion de la centrale de Tchernobyl (URSS), sur un site qui se trouve en fait aujourd’hui sur le territoire ukrainien.
Sur Antenne 2, la présentatrice météo expliqua que l'anticyclone des Açores, qui se trouvait alors au-dessus de la France, "resterait jusqu’au vendredi suivant suffisamment puissant pour offrir une véritable barrière de protection" à la France. "Il bloque en effet toutes les perturbations venues de l'Est", poursuivit la speakerine. Sur la carte, un panneau "stop" vint s'afficher sur la frontière franco-allemande pour illustrer cette prévision*.
Le nuage radioactif n'a pas attendu trois jours. Il est arrivé en France dès le lendemain, en fin de journée.
Cette façon de vouloir rassurer la population allait de pair avec un discours officiel beaucoup plus optimiste en France qu’en Allemagne.
2011 : Accident majeur à Fukushima (Japon). En France, le Président de l’Autorité de Sûreté Nucléaire entre 2006 et 2012, M. Lacoste, reconnût qu’on ne peut exclure un accident majeur en France comme ailleurs.
Témoignage d’un Fontenaisien, qui a travaillé pendant 30 ans (1970-2000) à la Sûreté Nucléaire pour EDF.
« Dans les années 1970, j'ai travaillé sur la sûreté des réacteurs à neutrons rapides (étude des feux de sodium en relation avec Super-Phénix). Suite à l'accident de TMI-2 (mars 1979), j'ai étudié les accidents graves sur les réacteurs à eau sous pression (REP). En particulier, j'ai travaillé sur la tenue de l'enceinte de confinement avec mise au point du "filtre à sable" **, filtre constitué de lits de sable, sable destiné à piéger une partie des émissions radioactives. Ce filtre à sable est installé (à ce jour) sur les 56 réacteurs nucléaires français existants.
Mise en place du filtre à sable du réacteur 3 de Paluel ( Seine Maritime)
Il a fallu l’accident de Tchernobyl pour que les relations s’apaisent entre les tenants de la production d’électricité, et ceux qui, comme moi, tenaient à prévenir absolument les accidents graves. »
France-Allemagne : 2 choix opposés
Depuis Fukushima, les grands pays constructeurs de l’Europe - Allemagne, Italie, Espagne, Portugal, (mais pas la France) - arrêtent petit à petit le nucléaire et développent leurs énergies renouvelables. Les 2 dernières centrales nucléaires d’Allemagne s’arrêteront fin mars 2023.
Malgré Fukushima, la France continue la construction d’un EPR dit nouvelle génération, construction commencée en 2007. En 2023, cet EPR n’est pas encore opérationnel, son coût est passé de 3,4 milliards d’euros annoncés en 2006 à 20 milliards d’euros aujourd’hui, frais financiers inclus. De plus, la question des déchets les plus dangereux n’est toujours pas réglée, sans parler des liens « gênants » de dépendance de la France vis-à-vis de la société d'Etat russe Rosatom pour le retraitement de ces déchets, et qui subsistent malgré la guerre que mène la Russie en Ukraine***.
Depuis 2018, la France a mal à ses centrales nucléaires qui tombent en longues pannes les unes après les autres. Parfois la moitié des 56 réacteurs nucléaires français sont à l’arrêt, souvent à cause de graves problèmes de corrosion. Ils arrivent au bout des 40 ans de durée de vie initialement prévus. Mais l’Etat envisage la prolongation de la durée de vie de réacteurs jusqu’à 60 ans voire au-delà. Sauf qu’il ne suffit pas de le décréter. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) réclame une « meilleure anticipation » des enjeux de sûreté nucléaire.
Aujourd’hui, le kilowattheure (kWh) d’énergies renouvelables coûte de moins en moins cher, le kWh d’énergie nucléaire coûte de plus en plus cher, beaucoup plus désormais que le kWh de renouvelable : en 2021 un kW.h d’origine nucléaire coute 4 fois plus cher qu’un kW.h d’origine éolienne ou solaire.******
Fuite en avant, lobby du nucléaire, risques économiques et sécuritaires ?
Le gouvernement français vient de décider de faire voter, juste après le 49.3 sur les retraites, une loi d’accélération du nucléaire****, un bâton dans les roues de la transition écologique et de la souveraineté énergétique de la France***** ?
Suzanne Bourdet Michel Faye
** https://www.dissident-media.org/infonucleaire/filtre_a_sable.html
****** http://www.pourfontenay.fr/blog/quelle-est-la-source-denergie-electrique...
Images:
Image de titre: Centrale du Bugey
Images de texte :
A propos de l’accident de Tchernobyl : archive INA
Déclaration de M.Lacoste :https://www.lemonde.fr/planete/article/2011/03/30/m-lacoste-on-ne-peut-g...
Filtre à sable des centrales nucléaires actuelles : https://www.dissident-media.org/infonucleaire/filtre_a_sable.html
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