Réintroduction des pesticides par les sénateurs: la santé de chacun ou les profits de l’agro-industrie?

Les PPL du Sénat Français
Qu’est-ce qu’une PPL ? C’est une proposition de loi proposée directement au Sénat ou à l’Assemblée sans passer par le gouvernement ni par le Conseil Constitutionnel. Ouverture à la créativité, mais dans laquelle les lobbies s’engouffrent largement.
En ce temps d’instabilité politique, le Sénat utilise les PPL pour proposer, au nom de la « simplification », une baisse du développement des énergies renouvelables, au profit du développement du nucléaire, pourtant beaucoup plus cher*. PPL aussi pour supprimer des normes agricoles et réintroduire les néonicotinoïdes, tant pis pour les abeilles, tant pis pour la qualité sanitaire de nos aliments. PPL pour réduire l’objectif de réduction de l’artificialisation des sols, tant pis pour la biodiversité, et tant pis pour les conséquences climatiques…
Le Sénat remet aussi en cause les autorités de régulation, environnementale et sanitaire , comme l’ANSES , Agence Nationale de SEcurité Sanitaire!
Le texte le plus révélateur est sans doute celui qui a été voté par le Sénat, le 27 janvier 2025 pour « Lever des contraintes au métier d’agriculteur » texte n° 41 (2024-2025)**, PPL présenté par le sénateur Duplomb ( LR), voté par 233 voix contre 109. Le Sénat y apparaît comme le laboratoire de reculs écologiques ***.
Vote au Sénat de la PPL: "Lever des contraintes au métier d’agriculteur " le 27 janvier 2025
Mais que signifie, d’après ce texte, « Lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur » ? Sur le site du Sénat***, on justifie ces retours en arrière par des soucis de compétitivité, au nom de « l’intérêt général ». Qui sont ces intérêts généraux ?
Quand l’eau de l’agriculture intensive vide les nappes phréatiques
Les méga-bassines prélèvent l’eau, bien collectif, au profit de quelques gros agriculteurs. Le texte affaiblit les autorités de contrôle, l’Autorité environnementale, les comités de bassin et l’Office français de la biodiversité (OFB). « Les études n’ont cessé de s’étoffer sur les limites planétaires et sur le rôle de l’agriculture industrielle dans cette crise, rappelle Daniel Salmon, sénateur écologiste. On fait comme si tout allait au mieux dans le meilleur des mondes, et que notre agriculture pouvait continuer comme elle l’a fait ces dernières décennies, sans se soucier du grand cycle de l’eau ni de la biodiversité ! ****»
Quand l’abus de pesticides arrive dans nos assiettes et dans nos verres
Pour la seule année 2022, 68 000 tonnes de substances actives de produits phytosanitaires (= pesticides) ont été vendues, faisant de la France le second utilisateur de pesticides en Europe. Elle est même le troisième pays européen autorisant le plus de substances chimiques.****
Pulvérisation de pesticide dans un champ
Les épandages de pesticides (dits aussi produits phytosanitaires) sont toxiques, toxiques pour le voisinage, toxiques pour la biodiversité (exemple préoccupant dans les dégâts dus aux néonicotinoïdes, notamment sur les populations d’abeilles), toxiques pour les paysans eux-mêmes, et toxiques au bout du compte pour les consommateurs, puisque les pesticides se retrouvent dans les cultures, dans la nourriture du bétail, dans les eaux et au final dans nos assiettes, et dans nos verres….
« Lever les contraintes », c’est-à-dire ici « Recul écologique »
La multiplication des cancers, notamment chez les jeunes, ça existe. Les pesticides sont une part des causes de cancers. Doit-on fermer les yeux au nom de la compétitivité ? Doit-on augmenter l’inégalité entre ceux qui pourront manger bio et les autres ?
Doit-on faire fi des alertes scientifiques ? Scientifiques, c’est-à-dire appuyées sur des faits scientifiques ? Doit-on succomber à une Vision trumpiste, où les faits scientifiques ne sont qu’une opinion comme une autre (Y.Jadot, sénateur écologiste? )*** ? Doit-on accepter certains conflits d’intérêts entre agro-business et « spécialistes-conseils » rémunérés par l’agro-business ?
Cette proposition de loi votée à une large majorité par les sénateurs précise qu'un pesticide écarté par l'évaluation des risques pourrait tout de même être autorisé par le ministre de l'agriculture pour des raisons économiques.
Ne devrait-on pas plutôt accélérer la transition des pratiques agricoles vers une agriculture adaptée au changement climatique, aux connaissances montrant l’impact des pesticides sur la santé publique? Et donner des revenus décents à tous les agriculteurs et pas seulement aux plus « gros » pollueurs ?
Résultats du vote des sénateurs des Hauts-de-Seine, notre département, sur cette proposition de loi.
Les 7 sénateurs des Hauts-de-Seine ont voté de la façon suivante : 5 pour le recul écologique ci-dessus, 1 abstention, 1 contre ce recul écologique.
Marie-Do Aeschlimann LR Pour
Isabelle Florennes Modem Pour
Xavier Iacovelli Renaissance Pour
Robert Karoutchi LR Pour
Hervé Marseille UDI Pour
Cécile Lavarde LR Abstention
Pierre Ouzoulias PC Contre
De nombreux élus de la majorité municipale de Fontenay appartiennent aux partis politiques LR, UDI (c'est le cas du maire), Modem, Renaissance, dont les représentants au Sénat ont quasiment tous voté cette proposition de loi qui présente pourtant de lourdes conséquences sur la qualité de vie et en particulier sur la santé. On retrouve les mêmes incompréhensions dans la politique du maire actuel de Fontenay.
Cette proposition de loi PPL doit maintenant passer devant l’Assemblée Nationale. A suivre donc.
Suzanne Bourdet Michel Faye
*http://www.pourfontenay.fr/blog/tres-trop-cher-nucleaire-rapport-de-la-cour-des-comptes
*** Journal Le Monde du 14 janvier 2025 « Le Sénat, laboratoire de reculs écologiques »
**** https://reporterre.net/Agriculture-cette-loi-ecocide-que-le-Senat-s-apprete-a-voter
Images : Public Sénat, site du Sénat et Télégramme
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