La "shrinkflation", quand un anglicisme masque un abus d’inflation*
Histoire d’œufs
Il y a 6000 ans, les bergers mésopotamiens ont repéré les douze lunaisons d’une année. Ce nombre 12 est resté , 12 mois par an, 24 (2 fois 12) par jour, 12 étoiles sur le drapeau européen, et 12 œufs dans les boites à œufs de nos magasins.
Or, les producteurs bio, pour afficher des prix proches de ceux des œufs de l’industrie agro-alimentaire, ont introduit des boites de 10 oeufs. Et les industriels à leur tour se mettent à proposer des boites de 10, non bio, mais à peu près au prix du bio. L'agro-alimentaire augmente ainsi ses bénéfices!
Bref, on diminue les quantités pour faire des prix plus attractifs. On « rétrécit » les quantités, en gardant des emballages aussi proches que possible des précédents. L’occasion de lancer un nouvel anglicisme, la « Shrinkflation », un mélange du mot anglais « shrink » (rétrécir) et du mot inflation. Les consommateurs vont-ils s'en apercevoir?
Inflation « record » sur les produits alimentaires
L’inflation sur les produits alimentaires alourdit désormais les paniers de courses, plus de 21% sur deux ans. Les banques alimentaires sont débordées. Les Restos du cœur avaient distribué 8 millions et demi de repas l’année de leur lancement (1985) ; ils distribueront entre 150 et 178 millions de repas, alors que les gros donateurs se font rares (la suppression de l’impôt sur la fortune et de ses avantages fiscaux en est en partie responsable, encore un dommage colatéral).
Des grandes marques en profitent pour augmenter leurs marges**
Les crises qui se succèdent (Covid, crise énergétique, dérèglement climatique), ont bon dos. L’augmentation des prix de la production alimentaire et des transports peut justifier l’augmentation des prix dans les magasins d’alimentation, mais certaines marques en profitent pour augmenter aussi leurs marges (INSEE 2023), en augmentant encore plus les prix .
Plus cynique encore. L'histoire des œufs a fait des émules : certains acteurs de l’agro-alimentaire diminuent les quantités, tout en préservant la taille de l’emballage. « Moins de produit, même prix, une technique marketing vicieuse »**. Les consommateurs n’y verront-ils que du feu, ou se détourneront-ils de ces marques-là ?
Suzanne Bourdet Michel Faye
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