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A la recherche des compétences perdues.

Depuis 20 ans, les restrictions budgétaires pèsent sur l’éducation et sur les enseignants, sur les personnels hospitaliers, sur les personnels de justice et de sécurité. Ainsi, les hôpitaux auraient bien des lits de réanimation, mais on manque de personnel …

La multiplication des intermédiaires (commune, territoire, département, région, Etat) dilue les compétences et les responsabilités, favorise le cumul des mandats, cumul qui éloigne l’élu à la fois du citoyen, et des réalités industrielles. En France, en octobre 2021, on compte 70 000 postes non pourvus dans l’industrie et à peu près autant dans le numérique.

 

On communique sur des  projets, mais on laisse s’enkyster une grave pénurie de compétences de terrain    

      L’Etat lance un plan France 2030* de 30 milliards d’euros, pour réindustrialiser notre pays. Mais où sont les compétences nécessaires ?

      Energie : A Flamanville, l’EPR, Réacteur nucléaire à Eau Pressurisée, se voulait premier du genre, projet lancé en 2004 … pas encore opérationnel 17 ans plus tard.

                                                     Coût initial prévu : 3,3 milliards d'euros /    Coût actuel plus de 19 milliards d'euros

     En réponse, l’Etat veut créer de Petits Réacteurs nucléaires Modulaires (PMR)**. La France a un seul projet, encore dans les limbes ; c’est le projet Nuward, Nuclear Forward), coût prévisionnel de l’ordre de un milliard d’euros pour un réacteur, d’après la SFEN (Société française d’Energie Nucléaire). Mais où sont les ingénieurs et techniciens compétents pour passer du schéma à la réalisation concrète ?

     Révolution agricole et alimentaire*** : 2 milliards d’euros au titre du plan France 2030,  et de plus  877,5 millions au titre du 4ème programme d’investissement d’avenir, robotique, numérique, génétique. Mais avec quel modèle agricole : agro-industrie aux mains de grands groupes internationaux, ou modèle éco-responsable ?  Et les reconversions demandent du temps.

Des formations agricoles urbaines portent sur l’installation d’une activité agricole au plus près des villes (circuits courts et techniques innovantes). Saura-t-on utiliser les friches urbaines, les toits … ?

     Participation aux grands projets d’exploration dans l’espace ou dans les grands fonds marins. Airbus à Toulouse, fusée Ariane en Guyane, TGV à Belfort et autres villes de province, on a su naguère former les personnels compétents. Aujourd’hui, est-on capable d’en former de nouveaux? Sait-on les retenir en France ?

     Production nationale de médicaments et souveraineté sanitaire *** : La dépendance de la France vis-à-vis notamment de la Chine est préoccupante. L’industrie française du médicament décline depuis 15 ans, même si la production pharmaceutique  française se classe encore 4ème en Europe et 5ème dans le  monde.

 

 

                                                                  Hausse des signalements de tensions ou ruptures d'approvisionnement

                                                               de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) de 2013 à 2019

 

Dans tous les cas, c’est le mur des pénuries de compétences***** qui risque de bloquer les avancées en recherche scientifique et en industrie. Le cafouillage de Sanofi pour trouver un vaccin contre la Covid 19 en est un exemple.  Les restrictions budgétaires qui s’accumulent au détriment des services publics  depuis 20 ans aussi.

 

Le déficit français de formations en sciences et techniques*****

            A Fontenay même, les jeunes envisagent beaucoup plus des études de commerce, de droit, de management que des études de biologie, de physique ou de mathématiques. Au lycée professionnel, 70% des jeunes sont envoyés dans des formations tertiaires (secrétariat, vente), au détriment des métiers de techniciens.

            Alors que le nombre d’étudiants en cycle ingénieur stagne autour de 150 000, le nombre de places en écoles de commerce a été multiplié par 20 en 60 ans (depuis 1960, on est passé de 10 000 à 200 000 places en écoles de commerce), les salaires de sortie sont plus attractifs en commerce qu’en sciences. De plus, nombre d’écoles d’ingénieurs offrent des formations de finance et managements, éloignant autant de jeunes des sciences et techniques (c’est le cas de 30 à 50% des polytechniciens, 43 % des centraliens, 40% des diplômés de l’Ecole des ponts et chaussées).

 

Cercle vicieux

            Former moins de scientifiques, c’est avoir moins d’ingénieurs, moins de techniciens. C’est aussi avoir moins d’enseignants en sciences, déficit manifeste dès l’école primaire, d’autant que l’enseignement est peu valorisé en France... 1% des enfants français aujourd’hui atteignent un niveau « avancé » en mathématiques (10 fois moins qu’ en 1987) , contre 50% à Singapour ou en Corée du Sud.*****

           Or, on a besoin de sciences et techniques à la fois en personnel compétent, et pour permettre à chaque citoyen de s’intéresser aux décisions de notre destin commun : production de remèdes, de vaccins ; choix énergétiques (énergie décarbonée, gestion des déchets, en particulier déchets nucléaires) … Et pourtant, on entend plus souvent « L’école coûte cher » que «  Investissons dans l’éducation ». Redresser la barre est un long travail, dont l'importance dépasse largement les prétentions de « start-up nation ».

 

Suzanne Bourdet     Michel Faye

 

*https://www.economie.gouv.fr/france-2030 

** https://fr.wikipedia.org/wiki/Petits_r%C3%A9acteurs_modulaires

***  https://wizi.farm/blog/formation-agricole

**** https://www.vie-publique.fr/en-bref/280702-production-de-medicaments-quelle-souverainete-sanitaire-de-la-france

***** https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/12/22/le-plan-france-2030-se-h...

Image : site du gouvernement

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