Fin du ticket de caisse, une économie, une écologie ? Pas si sûr !
Ticket papier à 2 grammes de CO2 ou ticket dématérialisé à 19 grammes de CO2 ?
Au 1er août, est entré en vigueur la fin du ticket de caisse
Pour limiter les déchets, dit la nouvelle loi. Selon le ministère de l’Economie, 12,5 milliards de tickets avaient été distribués en 2022, nécessitant la coupe de 25 millions d’arbres et l’utilisation de 18 millions de litres d’eau. Vous pouvez cependant obtenir le ticket de caisse papier si vous le demandez.
Les commerçants sont d’accord avec cette mesure. Mais pas les clients du quotidien
Dans une enquête publiée en mars par Perifem (fédération d’acteurs de la distribution), 90% des personnes interrogées déclaraient vérifier leur ticket de caisse, 63% d’entre elles faire leurs comptes à partir du petit rectangle de papier et 38% le jeter en sortant du magasin.*
Le ticket de caisse, le ticket des achats du quotidien, l’outil de contrôle de ceux qui ont des fins de mois difficiles et pas les moyens de payer un comptable … est certes inutile aux décideurs. Mais ces décideurs ont-ils vraiment vérifié qu’un ticket de caisse est moins écologique qu’un ticket dématérialisé ? Ou n’est-ce qu’une gifle supplémentaires pour les pauvres** ?
L’écologie a bon dos
Le papier est le plus recyclable et le plus biodégradable des matériaux. On ne peut en dire autant des matières plastiques et autres matériaux, et donc du matériel numérique, et de l'énergie qu'il consomme!
D'après les estimations de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), l'envoi d'un mail de 1 Mo aurait une empreinte carbone d'environ 19 grammes, celui d'un ticket dématérialisé serait lui, compris entre 3,8 et 19 grammes de CO2, contre 2g pour un ticket papier. Donc, l’édition d’un ticket papier émet moins de gaz à effet de serre que la dématérialisation de ce ticket. Supprimer le ticket de caisse, finalement, ça arrange les commerçants, pas les clients du quotidien, et ça n’arrange même pas la planète.
La consommation numérique pèse lourd sur la planète
Pollution numérique
Il y a quelques années encore, on assurait que le numérique serait plus écologique que le papier. Or, le streaming (60% des flux de données sur internet) , le stockage de données dans les data centers, les infrastructures réseau, la consommation d’énergie, l’extraction des minerais, les coûts de transport des matériels, le recyclage …, tous ces facteurs font que le numérique représente 4% des émissions à effet de serre et qu’internet est le 3ème plus gros consommateur d’énergie après la Chine et les Etats-Unis.
Le tableau ci-dessous tente de prendre en compte la consommation d'énergie, l'extraction de minerais, le coût du transport, etc, jusqu'à la phase de recyclage d'un produit numérique:
La consommation mondiale de streaming vidéo émet 300 millions de tonnes de CO₂ dans le monde chaque année. Regarder une heure de vidéo consomme autant d'électricité qu'un réfrigérateur pendant une année.
Alors, l’empreinte d’un ticket de caisse dématérialisé ?
Il faut aller au fond des choses :
- Le numérique peut être un progrès, à condition d'être utilisé à bon escient; et comme dans toute consommation, il faut savoir être sobre.
- Quand on reçoit un ticket dématérialisé, comme pour tous les messages qu’on lit une fois, et qu’on n’a pas besoin de conserver, il convient de le mettre dans la poubelle numérique de votre ordinateur et de vider cette poubelle, plutôt que de contribuer à la gloutonnerie des Data Centers. Vous réduisez ainsi votre empreinte numérique.
- Interdire toute pub lors de l’envoi d’un ticket dématérialiser, autant d’empreinte carbone et autres pollutions numériques en moins.
Ce sont les préconisations du Shift Project***, une association française créée en 2010 avec pour objectif l'atténuation du changement climatique et la réduction de la dépendance de l'économie aux énergies fossiles, particulièrement au pétrole. Son travail s’étend au numérique, avec des ateliers collaboratifs et des publications à lire, dont le rapport « déployer la sobriété numérique » mérite d’être lu (malgré, comme tout document numérique, son inévitable empreinte carbone, à réduire en suivant les préconisations du Shift Project)****.
Suzanne Bourdet Michel Faye
*** https://theshiftproject.org/les-usages-numeriques/
**** https://theshiftproject.org/article/deployer-la-sobriete-numerique-rapport-shift/
Image de titre : https://www.marianne.net/agora/les-signatures-de-marianne/suppression-du-ticket-de-caisse-une-gifle-supplementaire-pour-les-pauvres
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